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d’un article par Olivier Clerc, auteur, Le Don du Pardon et Peut-on Tout Pardonner ?

Depuis que j’anime des ateliers sur le pardon et des Cercles de Pardon, c’est sans doute la question qui m’a été le plus souvent posée, tant par des participants que par des journalistes : «Peut-on tout pardonner?»

Pour beaucoup, en effet, c’est LA grande interrogation en rapport avec le pardon. Pardonner les souffrances petites et moyennes qu’on peut avoir subies dans son enfance, dans une relation de couple, au travail ou ailleurs, d’accord, disent beaucoup de gens. Mais faut-il pardonner à Hitler ou à Ben Laden ? A un violeur, à un pédophile ? A des meurtriers, des psychopathes?... A peine la question est-elle posée que beaucoup sentent quelque chose se révolter ou se fermer à l’intérieur d’eux-mêmes. Ah non ! Il y a des choses impardonnables!

Pour ma part, j’estime que pour donner une juste réponse à cette importante question, il faut commencer par savoir ce que l’on entend par «pardon» et « pardonner ». Au fil des ans, j’ai pu me rendre compte combien la compréhension que nous avons de ces termes est imprécise, incomplète, voire teintée d’impératifs moraux ou de considérations religieuses qui brouillent parfois notre vision plus qu’ils ne l’éclairent. Il nous faut donc commencer par les redéfinir clairement.

Pour moi, le pardon est la cicatrisation des blessures du cœur. Lorsque quelqu’un nous a fait du mal, nous avons le cœur blessé, plus ou moins profondément. Si elle est mal soignée, cette blessure peut s’infecter, puis se mettre à secréter du pus (de la haine, du ressentiment), rester longtemps ouverte, suintante, douloureuse. Faire œuvre de pardon, c’est choisir de cicatriser, de soigner ses plaies. C’est décider d’arrêter de haïr, car la haine est un poison qui nous détruit nous-mêmes, qu’il fasse ou non du tort à ceux contre qui nous la dirigeons. Le pardon, tel qu’il m’a été enseigné et que je le transmets à mon tour, c’est un acte que l’on pose pour soi-même, avant tout : pas pour l’autre. Ce n’est pas un cadeau que l’on offre à l’autre, par compassion, magnanimité ou condescendance : c’est un présent qu’on se fait d’abord à soi-même, pour panser ses blessures et pouvoir enfin retrouver un cœur aimant.

Mais nous n’avons pas seulement un cœur, mais aussi une tête, un intellect. Décider de guérir son cœur ne doit pas nous rendre stupides. Ce n’est pas parce que je choisis de renoncer à la rancune, à l’envie de vengeance, au ressentiment et à la haine, ce n’est pas parce que je fais œuvre de pardon, que je cicatrise mes blessures et me rouvre à l’amour, que je dois pour autant manquer de discernement dans ma tête, que je dois faire bêtement copain-copain avec ceux qui m’ont fait du mal, que je dois cautionner leurs actes, ni nécessairement me réconcilier avec eux (il faut être deux, pour cela). Je peux faire œuvre de pardon dans mon cœur... et avoir le discernement d’aller au commissariat, de déposer plainte, de demander justice s’il le faut. Sauf que je le ferais sans haine, le cœur en paix. Au tribunal, j’irais chercher justice, et non vengeance.
« Je pardonne tout... mais je ne passe rien ! », disait l’un de mes mentors spirituels. Je pardonne tout, car je me refuse à m’empoisonner avec la haine qui me détruit moi. Je ne passe rien, car tout acte a des conséquences : celui qui a mal agi doit être confronté aux justes conséquences de ses actes. Autrement dit le pardon – dans cette perspective – n’exclut pas la justice, ni la réparation des torts causés.

Faire œuvre de pardon de la sorte, c’est se libérer. Se libérer de la haine et du ressentiment. Se libérer de la croyance que c’est l’autre qui détient tout pouvoir sur mon cœur, mon état intérieur, ma vie. C’est retrouver sa propre liberté d’aimer... sans péjorer pour autant sa capacité de réflexion, afin de pouvoir poser ensuite des actes justes, exempts de haine. C’est clairement distinguer ce qui se passe dans mon cœur et dans ma tête : c’est guérir mon cœur et utiliser mon mental et mon discernement pour le protéger.

Alors : «Peut-on tout pardonner?» Je préfère pour ma part formuler cela légèrement autrement: comme le montrent les centaines de témoignages recueillis par le Forgiveness Project oui, il est possible de faire œuvre de pardon, quelle que soit la gravité des maux qu’on a subis. Autrement dit, il est possible de cicatriser, de guérir son propre cœur, de sortir de l’étau du ressentiment et de la spirale infernale de la haine. Mais ce pardon-là ne veut pas dire excuser ni cautionner. Il ne veut pas non plus dire se montrer faible, lâche ou d’une indulgence qui confinerait à l’injustice ou la stupidité. On peut faire œuvre de pardon tout en restant fort. On peut libérer son cœur tout en gardant un mental lucide, et en agissant de manière juste. L’amour que fait renaître ce pardon est un amour fort, un amour courageux, un amour doublé de la sagesse d’un intellect éclairé, non noyé sous les émotions.

Au final, la vraie question n'est pas "Peut-on tout pardonner ?", mais "Est-ce que je peux guérir mon cœur ?".

Et la réponse est résolument : oui !

« Peut-on tout pardonner ? » - © Olivier Clerc, 2014. olivierclerc.com

http://theforgivenessproject.com/ (en anglais)